Nos seules vrits, hommes, sont nos douleurs.
Alphonse de Lamartine.
When I find myself in times of troubles.
Mother Marie comes to me.
L'Utopie ? L'Utopie, qu'est-ce que c'est ? C'est un regroupement d'idologies. De nos idologies. Chacun a sans nul doute son Utopie. Construite ou en construction. Chacun rverait de l'atteindre. Mais pourquoi ? Il fallait juste vivre dans la ralit, comme disent beaucoup. Profiter de ces quelques annes de vie qui nous ont t offertes. De ce semblant d'Utopie, finalement. Pourquoi les hommes ne regardaient que plus haut ? Pourquoi ne regarderaient-ils pas leur niveau ? Voir la beaut dans ce qu'ils ont, au lieu de voir la beaut de ce qu'ils pourraient avoir ?
Stoppons-nous l. Ceci tait la vision des gens qui ne le comprenaient pas. Qui ne comprenaient pas cet enfant. Ceux qui avaient cette vision de la vie taient chanceux, trs chanceux. Parce que lui, il aimait l'Utopie. C'tait... apaisant. Il pouvait planer. Il tait libre.
Speaking words of widsom, let it Be.
And my hour of darkness.
She's standing right in front of me.
Speaking words of widsom, let it Be.
Et cette Utopie tait vraie. Elle tait belle. Elle tait d'une splendeur tout rompre. Et lui tait amoureux de cette Utopie. Il tait amoureux de sa perfection lui.
Il tait l, dress en haut d'un triste monticule, tch de sang, de cœurs ensanglants victimes de flches. Sauter, c'tait mourir. Il ne pouvait rien faire. Il devait rester sur ce monticule, il devait s'asseoir et attendre, esprant que les flches qui survenaient de nulle part ne feraient que l'effleurer, que lui corcher la peau. Qu'elles laisseraient sa vie tranquille. Mais dans une pulsion innocente, le garon voulut briser ses chanes. Rien qu'un instant. Faire un bond. Risquer l'Utopie. Risquer sa perfection lui. Et dans cet lan gracieux, il s'en alla de ce haut et triste monticule, pour tomber, pour s'chapper.
Pour vivre.
Let it Be,
Let it Be.
Il crut rellement tomber. Il crut redre sa mort, aprs coup. Mais pourtant non. On le retint. On vint son secours, pour la premire fois. C'tait une main. Douce. Fminine. Venue le soutenir dans cette chute vers l'enfer. Et comme deux ailes rconfortantes, cette main fminine le tira, et ils prirent ensemble de la hauteur. Ils s'chapprent le temps d'apprcier le bonheur. L'espoir d'chapper la ralit. L'Utopie. Elle le tira, et l'emmena travers nuages et toiles. Il pouvait irer ce ciel sombre, obscur et calmant. Le vent faire virevolter ses mches blondes, ses grandes lunettes rondes, o il contemplait travers les verres ces points briller, dchirant la noirceur comme des signaux de secours. Lorsque ce garon les regardait, il semblait y voir un souvenir oubli. Quelque chose qui tait presque comme au bout de sa langue. Comme s'il planait dans un autre univers. Oui. Il planait. Dans un autre univers. Dans une dimension si belle. Si arrogante.
La jeune fille le lcha dans un geste vif, le propulsant vers l'avant. Il vola, scindant le ciel comme une toile filante, une toile fugitive qui pouvait s'loigner trs loin des flches, trs loin des cœurs ensanglants, trs loin de toute ce chaos. Vivre juste un instant dans la plnitude.
Il atterrit sur un nuage, cotonneux. Comme sa perle lui, cette espce de coussin utopique, qui pouvait s'carter loin des problmes. Loin de ses peurs. De ses bourreaux. Contempler cette merveilleuse touche de bleue dans le ciel, pos ct de cette jeune fille. Elle tait blanche, radieuse, lumineuse. Pas grosse, pas fine. Une femme comme les autres mais la fois exceptionnelle, comme une blancheur d't. Son visage tait absent. Juste cette tte remplie d'une grande lumire blanche. C'tait poustouflant. C'tait apaisant. C'tait utopique, comme toujours. Parce que quand il la regardait, il voyait une toile. L'toile intrigante, qui le tirait vers ses rvasseries.
Les sentiments qu'il prouvait rsumaient sa vie. Il fuyait. Simplement. Il rvait. Il regardait le ciel, parce que ses toiles taient loin de cette plante apocalyptique. Il se posait sur un nuage cotonneux parce que c'tait agrable, plus doux que tout ce qu'il avait ressenti. Il regardait cette fille comme celles de ses songes, parce qu'avec elle, son cœur tait enfin rempli. Parce qu'elle tait la clef ses sentiments manquants.
And when the broken hearted people.
Living in the world agree.
There will be an answer, let it Be.
For though they may be parted.
There is still a chance that they will see.
There will be an answer, let it Be.
Parce que les toiles brillaient d'une mme lueur. Parce qu'elles taient, de loin, uniformes. Qu'elles s'entendaient toutes. Qu'elles se ressemblaient tant. Qu'elles taient une Utopie. La communion de tous les hommes dans une parfaite harmonie. C'tait l'Utopie du garon. Mais l'Utopie tait fausse. L'Utopie avait elle aussi sa dure. Et les toiles disparaissaient. Au profit de cette triste lueur du jour. De ce soleil qui cachait la lune, la Marie qui veillait sur nous, qui veillait sur ses toiles, la fille lumineuse qui tenait le bateau pour ne pas les faire chuter dans cette apocalyptique Terre.
Mais cela tait trop tard. Le soleil se levait. Sa lueur tait telle que ses rayons en cachaient la jeune fille ses cts. Non ! Elle devait rester ! Sa lune ! Il avait besoin de sa lune pour le guider ! De cette force qui le rendrait certain. Trop tard. Le soleil brlait, brlait tout. Le nuage se dissipa. Adieux beau monde.
Et il retomba. Il chercha sa lune, il chercha ce monde envol, ce monde parfait, qui le faisait planer. Non. Ils taient partis ? Ils l'avaient laiss. Ils l'avaient laiss tomber littralement.
Let it Be.
Ce qui rend les amitis indissolubles et double leur charme est un sentiment qui manque l'amour : la certitude.
Honor de Balzac.
Il se rveilla en croyant ressentir la chute de son rve. Mais le matelas l'avait dcidment stopp. C'tait un rve utop... non. Il ne voulait pas entendre ce mot. Cet horrible mot qui lui portait prjudice. Qui le faisait rver. L'Utopie n'tait rien.
L'Utopie n'tait qu'un espoir auxquels les gens s'accrochaient et se perdaient.
Dans l'espoir.
Dans l'attente.
Yesterday,
All my troubles seemed so far away.
Oui, hier, ses problmes taient loin. Hier, il tait vacancier. Il tait rveur. Il tait charmeur. Il tait lui. Aujourd'hui, il tait un gamin sans espoir, sans rien. Il n'avait plus rien pour remplir son cœur. Il n'avait que sa peau qui recouvrait de faibles muscles. Il n'avait que son cerveau. Son intelligence. Sa maturit plus volue. C'tait... tout ? Mais qui pourrait sans soucier ? Il n'tait rien aux yeux des autres, il n'tait qu'un enfant seul et bizarre. Qui ferait durant, de nouveau, durant, une anne, durant, tout un enfer, les cents pas dans la cours. Parce qu'il ne pourrait parler personne. Parce qu'il lui manquait quelque chose, ce petit quelque chose qui l'empchait de s'avouer, de se montrer. Ce petit quelque chose qui l'interdisait de toute amiti. Et mme de tout amour peut-tre.
La confiance.
Une utopique certitude.