Il fait beau, le soleil brille et je suis au parc avec Papa et Maman. Papa est all chercher des glaces et moi, je joue dans le sable. Maman est assise un peu plus loin sur un banc. Elle lit et relve parfois la tte. Je croise son regard et elle me sourit. Je lui sourit en retour et retourne mes pts de sables.

Je la regarde. Elle est belle, ma maman, elle des longs cheveux bruns et de grands yeux de la mme couleur. J'ai hrit d'elle. Sauf que moi, au lieu que mes cheveux soient bruns, ils sont noirs. Papa revient, il trois cornets dans ses mains. D'o je suis, je peux voir un cornet pistache, un vanille et un chocolat. La pistache, c'est pour Maman, d'aprs ce que je sais, elle est allergique la vanille et elle n'aime pas le chocolat. Je trouve a dommage. C'est tellement bon!

Je baisse les yeux vers mon chteau mais je relve bien vite la tte. Papa m'appelle.

- Elisabeth! Viens manger ta glace avant qu'elle ne fonde!

Je me lve et me prcipite vers mes parents. Mon pre qui donn mon cornet ma mre m'attrape au vol et me soulve, me fait tourner. Je ris aux clats et j'carte les bras. Si seulement ma vie pouvait ressembler jamais ce moment.

Je me nomme Elisabeth Delmas, j'ai sept ans, mon papa s'appelle Jean-Pierre Delmas et ma maman Cassandra. Nous vivons Paris, moi, je vais l'cole qui est au coin de la rue. Papa est proviseur d'un collge. Le collge Kadic. Il m'a dit que plus tard, je pourrais y aller avec lui! J'ai hte! Maman est styliste, je crois que a veut dire qu'elle fait des vtements. Non, je ne crois pas: j'en suis sre, elle est toujours fourre dans des tissus si varis que j'en ai parfois le tournis.!

Mon pre me repose et Maman me donne ma glace. Je m'assieds sur le banc et commence la manger. Au lieu de faire comme mon pre qui la suote du bout des lvres, je mords peine dents dans la glace. Le froid de la glace chocolat sur l'mail de mes dents me fait grimacer mais c'est ma faon de manger des glaces.

Une fois mon cornet termin, Maman ferme son livre et se lve. Je connais ce signal. Je glisse ma main dans la sienne et puis celle de Papa et, ensemble, nous quittons le parc. Main dans la main.

Je jette un dernier coup d'œil au banc que nous venons de quitter avant de lcher les mains de mes parents et de courir sur le sentier en riant aux clats, les bras carts comme si, grce la vitesse, je pouvais m'envoler.

**

- Maman, j'ai peur, j'ai fais un cauchemar...

Je viens de murmurer ces paroles dans le silence de la chambre de mes parents.

Je me tiens au pied du lit, prs de Maman, elle ouvre les yeux et allume la lampe. La lumire de cette dernire me fait voir ma mre qui merge peu peu du sommeil, ses cheveux sont tout emmls et ses yeux encore embrums de fatigue.

Pniblement, elle se redresse et prend mon menton entre ses doigts.

- Qu'est-ce qu'il se e, princesse? Raconte ton cauchemar.

- Ben... y'avait un mchant monsieur qui...

Je racontais mon cauchemar, au fut et mesure que les paroles s'coulaient de mes lvres, je sentais ma peur s'apaiser. Au fond, ce n'tait qu'un cauchemar. Papa m'avait souvent rpt qu'il ne fallait pas en avoir peur. Seulement c'tait plus fort que moi. Je ne pouvais m'empcher d'avoir peur. Nous n'tions plus all au parc depuis six mois. Il y avait de grands travaux et Maman disait que c'tait dangereux pour moi. Depuis six mois, j'avais grandi, et je n'tais plus une petite! J'avais huit ans!

Une fois que j'eu fini de relater mon cauchemar, je levais les yeux vers Maman et demandais d'une petite voix:

- J'peux dormir avec vous?

Maman soupira mais sourit et elle tapota sa couverture.

Je sautais sur le lit et me glissais dans les draps. Papa mit un ronflement plus bruyant que les autres, se retourna et, instinctivement, a son bras au dessus de moi. Je me blottis prs de lui et fermais les yeux.

Souriante.

Lorsque je me rveillais, j'tais seule, j'entendais mes parents discuter en bas, dans la cuisine. Je m'tirais comme un chat avant de sauter hors du lit. On tait lundi et le matin, j'avais gym! Je courus dans les escaliers et fit irruption dans la cuisine alors que Papa se servait une tasse de caf. Maman tait table et buvait sa tasse en lisant et en commentant le journal. J'allais les embrasser chacun puis, j'allais m'installer table et me servit un bol de crales et j'ajoutais du lait. Je regardais mes corn-flakes se gonfler de lait avant de plonger ma cuiller dedans et d'enfourner une grosse bouche.

- Tu n'est pas obliger de manger tout en une fois, princesse, m'avertit Maman avec un sourire.

- He--h-h-on!

- Dsol, je ne parle pas le Elisabethien, ironisa Papa, tu peux nous traduire cette savante langue?

J'avalais ma bouche et rptais:

- Je sais, mais c'est bon!

- Bon, termine vite ton bol, ma puce, fit Maman en regardant sa montre, puis monte te laver et t'habiller, on part dans une demi-heure.

Je hochais la tte, finis en vitesse mon bol puis montais me laver et m'habiller. Je prparais mon cartable, me le mis sur le dos, attrapais ma veste et couru vers Maman qui m'attendais devant la porte.

- Au revoir Papa! Lanais-je, ce soir!

- Au revoir, princesse, travaille bien!

Je fermais la porte et me dirigeais vers la voiture. J'ouvris la portire de derrire et m'installais. Maman tait formelle, chaque fois, elle se retournait et vrifiait si j'avais bien mis ma ceinture de scurit. Je la connaissais, elle ne dmarrerait pas si je refusais de la mettre.

La voiture dmarra et, cinq minutes plus tard, je descendais de la voiture, mon sac sur le dos.

Maman baissa la fentre et m'embrassa sur le front comme chaque fois.

- Au revoir Elisabeth, travaille bien et ce soir.

- ce soir, maman!

Je me dirigeais tranquillement vers l'cole. Ds que j'eu d le porche, Laetitia et Tony m'accostrent. C'tait mes meilleurs amis! Laetitia m'embrassa sur la joue pour me saluer et Tony aussi.

- Eh, Elisabeth, tu sais quoi, la prof de gym est absente, on pas cours ce matin!

- Gnial! On va l'tude alors!

- Ouaip! Allez, a sonne, tu viens?

La journe a grande vitesse. Je m'amusais bien avec mes amis, et, une fois le soir venu, j'attendis Maman dans la cour, prs de la grille.

Mais cette fois-ci, j'attendis plus longtemps que d'habitude. J'attendis au moins une heure. Tout le monde tait partit. Il ne restait plus que moi et la femme de mnage.

Quand, je vis mon pre arriver. Ses yeux taient rouges et il couru vers moi. Me souleva et me serra contre son cœur avant de me reposer et de me regarder intensment.

- Ma princesse, ma Elisabeth, tu dois tre forte.

Je le regardais sans comprendre. Pourquoi fallait-il que je sois forte? Et... Mais Papa pleurait! Pourquoi pleurait-il? Les larmes coulaient sur ses joues et allaient se perdre dans sa barbe noire.

- Elisabeth, Maman... ta maman... est... elle... ta maman est morte....

Je sentis le sol se drober sous mes pieds. Mon monde s'croula en une seconde. Une envie de vomir me tenailla l'estomac. Sur mes joues, les larmes roulaient sans que je puisse les arrter.

Maman....

Ma maman....

Mon pre me serra contre lui mais je le repoussais de toutes mes forces. Je le dvisageais d'un air horrifi.

Comment pouvait-il m'annoncer cela?

Soudain, je tombai genoux et pleurais. Pleurais. Pleurais.

**

Je suis chez moi. Toute seule. Papa est la morgue. D'aprs ce qu'il m'a dit, Maman est morte d'un accident de la route. Un chauffard ivre lui est rentr dedans.

Elle est morte sur le coup. Elle n'a pas souffert.

C'est ce qu'on m'a dit.

Mais si elle n'a pas souffert, alors pourquoi je souffre, moi?

**

Noir jour d'octobre.

J'ai huit ans et aujourd'hui, on enterre ma maman.

Il pleut. Enfin pleuvine. Le temps s'accorde parfaitement mon humeur: maussade et renfrogn. Je suis debout ct de Papa, devant nous, il y a quatre hommes qui portent un cercueil.

Je suis habille de noir, comme Papa, cette couleur s'accorde aussi avec mon humeur.

Derrire nous, il y a des tas de gens. Des amis, des gens que je ne connais mme pas. Papy et Mamy, Bon-papa et Bobonne sont l aussi, bien sr. Bobonne qui est la maman de ma maman, a failli s'vanouir lorsque le cercueil a t sortit de l'glise.

Les hommes, les croques morts comme on les appelles, descendent progressivement le cercueil en terre. Puis, ils arrtent.

J'ai envie de me jeter dans le trou et de me blottir une dernire fois dans les bras de Maman. Une dernire fois sentir sa peau contre la mienne, une dernire fois l'embrasser. Une dernire fois lui dire que je l'aime.

Une dernire fois...

**

Tout le monde est la maison et mange. Moi, je suis assise sur le divan et je ne mange pas. Je n'ai pas faim. Comment peuvent-ils manger? Alors que leur fille, leur amie, sa femme, est morte?

Je soupirais et me blottis dans le divan. Fermais les yeux et m'endormis.

Je me rveillais en sursaut quand Papa me secoua doucement l'paule. J'tais puise. Je tendis les bras vers lui. Il me prit dans ses bras puis alla me coucher dans mon lit.

- Dors bien, ma princesse.

Il s'en va. Sans mme m'embrasser. Je veux le rappeler mais un brusque sanglot touffe mes paroles. Je pleure longtemps avant de m'endormir. puise par le chagrin.

**

- Bon anniversaire, Elisabeth!

Je souris. Aujourd'hui, j'ai dix ans. Et comme chaque anne, Papa m'emmne la foire. Nous faisons des tours de manges ensemble, parfois, il m'autorise aller dans des attractions pour les plus gs. Mais ces fois-l deviennent de plus en plus rares. Avant, c'tait elle qui y allait avec moi, maintenant, j'y vais toute seule et pendant ce temps, il me regarde rire sans mme sourire.

**

- Bonjour Papa.

- Bonjour Elisabeth, ta journe s'est bien e?

- Oui, mais la prof d'anglais m'nerve nous gueuler tout le temps dessus.

- Bah, oublie l, demain tu es en vacances et en septembre, tu es en sixime. Tu vas au collge!

Je reste un instant silencieuse. Puis, finalement, j'esquisse un sourire.

- Je sais, Papa, je pourrais aller Kadic.

- Pas cette anne, Sissi. L'anne prochaine peut-tre.

Et il se retourne. Sans un mot de plus.

Je fais pareil pour qu'il ne voie pas une larme rouler sur ma joue.

**

J'ai douze ans. Aujourd'hui, c'est la rentre des classes. Je vais aller dans le collge de Papa, en interne. Il l'a dcid pendant les vacances. Et puis, au moins comme a, je serais toujours prs de lui. Je n'aurais plus l'attendre le soir.Et l-bas, je serais la fille du proviseur!

Mais, depuis quatre ans. Depuis quatre longues annes, il est devenu de plus en plus distant. Et cette distance entre lui et moi ne fait que grandir. Jamais se rduire. Malgr tous mes efforts pour le faire rire. Il ne m'accorde plus un sourire.

a y est, je suis dans la cour du collge Kadic. Plusieurs collgiens se bousculent autour de moi. Ils ne me prtent aucune attention, tous les yeux sont dirigs vers mon pre, debout sur l'estrade qui distribue les chambres des internes. Pff... C'est long... allez...

C... D... Della Robbia.... Delmas! Enfin!

Mon pre me jette peine un coup d'œil alors que je m'en vais vers ma chambre. Chambre 115. Deux tages monter avec cette valise! O est-ce qu'elle est, cette foutue chambre? 112, 113, 114.... Ah! Voil, 115!

**

a fait deux mois que je suis au collge. Deux mois que je m'vertue avoir de bonnes notes pour qu'il me remarque enfin.... mais non, je n'y arrive pas. De toute manire, tout ce que j'essaie de faire, Jrmie Belpois, le fait toujours mieux que tout le monde! Ce petit gnie m'agace! Mais il m'agace! cause de lui, je ne peux voir dans les yeux de mon pre, briller une flamme d'iration... je voudrais tellement...

Et chaque fois que je le vois, il ne m'accorde pas un regard...

Aujourd'hui, Odd Della Robbia fait explos son TP de sciences, pas malin le gars! Heureusement que Mme Hertz su rattraper le coup!

Depuis quelques temps, j'ai chang de look. En ralit, c'tait pour sduire Ulrich Stern, un garon de ma classe que je trouve trop mignon! J'essaie en vain d'attirer son attention sur moi, mais il est comme mon pre. Il ne m'adresse pas un regard.

Et cette nuit, je suis assise sur mon lit, je regarde la porte avec dsespoir. a fait bien longtemps que cette chambre est vide d'amour le soir. a fait bien longtemps que je n'en ai plus, d'amour recevoir...

Et je le revois, il sourit tous sauf moi, ils ont tous chaud au cœur grce leur proviseur, tandis que moi, mon cœur meurt de froid. Et j'ai beau m'habiller de toutes les couleurs et jouer la fille du proviseur, il ne m'adresse pas la parole, car je ne sais pas remplacer son idole.

**

a y est! Je sais comment faire pour que Papa s'intresse enfin moi!

Jrmie, Ulrich, Odd et Yumi, une fille de quatrime ont un secret! J'en suis sre! Ils disparaissent tout le temps dans le parc et parfois, Jrmie sche des cours! Je les espionne mais pour l'instant, je n'ai rien trouv...

**

J'ai une piste! J'ai entendu Ulrich parler d'un XANA et d'une Aelita! Qui c'est, ces deuxl? Je vais faire des recherches, ils sont srement au collge, bien que, ces prnoms ne sont pas spcialement commun et, lors des rassemblements organiss par mon cher pre quand il fait l'appel, j'aurais bien repr ces prnoms bizarres!

En attendant, avant d'aller en parler Papa, je vais essayer d'en savoir plus pour avoir des preuves plus crdibles. Il est vident que si mon pre les interroge directement, ils nieront tout!

**

J'ai t faire un tour dans le bureau de mon pre pour lui faire signer ma note en go. Je comptais lui parler de la bande des quatre mais quand il a vu ma note en go, tout a bascul.

- Pas brillant tout a, a-t-il marmonn. Ta mre n'aurait pas t contente.

a lui a chapp. Il s'est mordu la lvre infrieure et je suis devenue livide.

- Elle n'est plus l... ai-je murmur, elle n'est plus l pour juger.

Papa est rest silencieux. Les yeux ferms.

- Elle ne reviendra plus, Papa! Elle ne reviendra plus! Hurlais-je soudain, mais moi, je suis l! Je suis l! Regarde moi, bon sang! MAIS REGARDE MOI!!!

Il a enfin lev les yeux mais ne m'a pas regard droit dans les yeux pour autant. Est-ce parce que j'ai les mmes yeux qu'elle? Est-ce parce que, quand il me regarde, il la voit? Est-ce parce qu'au fond de mes yeux, il retrouve les reflets de ceux qu'il jamais perdu? Parce qu'il sait qu'elle ne reviendra plus.

- Elisabeth, sors tout de suite!

Je lui tourne le dos, furieuse.

Puis, arrive devant la porte, je le regarde. Une dernire fois. En tant que pre.

- Si je pars, murmurais-je, je ne reviendrais plus.

Je ne reviendrais plus en tant que fille. S'il ne me regarde pas, s'il ne me demande pas de ne pas partir, jamais plus je ne reverrais en tant que pre. En tant que proviseur et homme. Pas en tant que pre.

Il baisse les yeux.

Je sors.

**

Je suis assise sur le banc dans le parc, je balance mes pieds, mes yeux fixs sur le bac sable dans lequel je jouais il y a quatre ans. Quatre ans, quatre sicles. Une ternit.

Une petite fille vient de se relever et cours vers ses parents. Sa mre est assise sur un banc en face du mien. Le pre attrape la petite fille, la fait voler. La petite fille clate de rire. Puis, son pre la repose et sa mre qui tient un cornet de glace lui tend. Un cornet chocolat. La petite fille le prends et mord un bon coup dans sa glace avant de grimacer.

Puis, la famille se lve. Je cligne des yeux et la famille a disparu.

berlue, je me lve mon tour. Mes yeux fix sur l'endroit o il y avait un banc, une fraction de seconde plus tt.

Le vent souffle, un rire d'enfant port par la brise me fait sourire.

Je jette un dernier coup d'œil au banc que je viens de quitter avant de lcher les mains de mon enfance et de courir sur le sentier en riant aux clats, les bras carts comme si, grce la vitesse, je pouvais m'envoler.